Hommage posthume au ciotaden André MANCHE ...
"Nous sommes tous des enfants d'André MANCHE". En tant que responsable du collectif "La Ciotat Coeur de Parc" et organisateur, c'est ce que j'avais dit aux ciotadens avec beaucoup d'émotion dans la voix et dans les yeux lors de l'inoubliable rencontre "Pour intégrer La Ciotat au Parc National des Calanques" des 16 et 17 mars 2007, conférence dont le succès fut capital pour emmener enfin derrière notre collectif les "décideurs" ciotadens...
Oui, nous étions fiers de compter parmi nous un ancien directeur du Parc National de Port-Cros, pleinement ciotaden qui plus est !
Mais revenons au 16 mars dernier : André était absent ce jour là. Je l'avais pourtant pressenti pour présenter la partie historique et institutionnelle de la conférence sur l'histoire du lâchage de La Ciotat dans ce beau projet de Parc National. C'est finalement François LABANDE, de Mountain Wilderness, qui a dû s'en charger car André était déjà trop affaibli par la maladie. Malgré cela, il faut voir sa touche personnelle dans une grande partie du travail que notre collectif a pu mener à bien car ses idées tout au long des préparatifs de cette rencontre, ses encouragements, ont été d'un grand secours à toute notre équipe. Jamais il ne s'est dérobé et, à bout de force, maintes fois par téléphone, entre deux traitements de choc à l'hopital, il a toujours tenu à donner son avis éclairé et ses précieux conseils d'expert à La Ciotat Coeur de Parc, comme il le fit auparavant et toujours sans compter, auprès de nos amis marseillais favorables au Parc National des Calanques (UCL, Ecoforum...etc...)
En effet, durant des années, André MANCHE a sans cesse mis sur la table, quitte à passer par la fenêtre sans jamais hésiter quand la porte était fermée, cette grande et généreuse idée selon laquelle il ne peut pas y avoir de Parc National des Calanques sans y intégrer en coeur de parc les sites classés terrestres et maritimes ciotadens.
Voilà par exemple ce qu'il concluait toujours et encore pour présenter le GIP lors de son intervention officielle au colloque du 29 janvier 2000 "Le GIP des Calanques, un tremplin vers le Parc National ? Le milieu associatif répond" co-organisé par Mountain Wilderness :
http://france.mountainwilderness.org/download/document/Actes.pdf
"[En conclusion ...] Je voudrais néanmoins reprendre un point. Le GIP peut associer d'autres membres et d'autres territoires que ceux prévus par [sa] constitution. J'insiste sur ce point car à plusieurs reprises nous avons eu une discussion à propos de La Ciotat, du massif Cap-Canaille et de l'Ile Verte. Madame le maire de La Ciotat a rencontré cette semaine encore le ministre Gayssot pour lui redire qu'elle voulait adhérer au GIP et voulait être associée à la création du futur Parc national des Calanques, eu égard au fait que de Canaille à l'Ile Verte, l'ensemble des intervenants associatifs ou professionnels sont assez souvent semblables à ceux rencontrés dans les Calanques. Le préfet des Bouches du Rhône dans sa lettre de convocation pour la réunion constitutive [du GIP] de 99 avait notamment prévu que, dans le cadre du GIP, les premières réunions, pourrait avoir lieu une discussion sur cet aspect d'extension."
C'était il y a déjà 7 ans... André Manche avait l'habitude : cela faisait plus de 30 ans qu'il ferraillait et défendait avec obstination l'idée d'une meilleure gestion de préservation des sites ciotadens.
Lors de notre rencontre des 16 et 17 mars dernier, j'y reviens car elle est vraiment très importante dans le succès de notre collectif, André, à bout de force, me confiait avec beaucoup de dignité qu'il peinait à simplement tenir un stylo dans sa main. Malgré le mal, il avait eu la patience, l'énergie et la volonté de nous rédiger un message que je n'ai pas eu la possibilité de vous lire ce soir là tant le programme était chargé avec huit intervenants à la tribune tous impatients de délivrer en direct leur message au public ... Voici dans son intégralité ce qu' André MANCHE voulait dire aux ciotadens venus si nombreux ce soir là :
"Depuis plus de 30 ans (1973) j'ai travaillé sur les problèmes écologiques méditerranéens terrestres ou marins (missions interministerielle, Parc National de Port-Cros, missions ministérielles ...).
J'ai accompagné sur le site de La Ciotat et dans les Calanques de Marseille de très nombreux visiteurs étrangers des Parcs Nationaux américains, canadiens, québecquois, italiens ; massivement, ils ont regretté que la France n'ait pas donné à cet ensemble le statut de Parc National qui est la seule vraie reconnaissance internationale d'un site exceptionnel.
Trois idées forces :
1 - Les Calanques de La Ciotat, le Bec de l'Aigle, le Cap Canaille, font partie du site des Calanques des points de vue :
- Biologiques : notamment le triangle marin Ile Verte, Mugel, Bec de l'Aigle qui en est certainement le joyau. La flore et la faune terrestre y sont remarquables
- Géomorphologiques malgré les différences sur les niveaux géologiques, avec des grottes remarquables
- Humains : on y trouve de nombreuses traces de nos ancêtres de la préhistoire
2 - Les conflits d'usages sont identiques et le rôle primmordial du Parc National est de n'exclure ni les uns ni les autres s'ils sont respectueux du site
3 - La Ciotat par sa renommée maritime doit être reconnue comme une des portes d'entrées du Parc National
Nota : dès 1999, lors de la première réunion constitutive du GIP, il avait été affirmé par le secrétaire général de la Prefecture que La Ciotat serait associée dès la première assemblée générale du GIP.
(André MANCHE, le 16 mars 2007)"
Le Collectif La Ciotat Coeur de Parc aurait aimé savourer les victoires de ces derniers mois en compagnie d'André mais le sort en a décidé autrement. Jamais nous n'avons pensé que la maladie l'emporterait en trois mois ...
Notre groupe a tenu, unanimenent, à offrir à sa mémoire cet hommage posthume : lorsque ce parc sera enfin créé, puissent les enfants de La Ciotat et d'ailleurs qui en profiteront, se souvenir de ce qu'ils doivent à ce combat d'une vie qui leur fut dédié.
La meilleure chose qu'il puisse nous arriver, ce serait que de nombreux autres André MANCHE se manifestent à La Ciotat et ailleurs et veillent désormais eux aussi sur cette nature menacée en y consacrant autant de temps et d'énergie altruiste que lui.
Merci André : de Riou à l'Ile Verte, sans oublier Port-Cros, votre passion et votre obstination nous ont guidé sans jamais faillir. Nous tâchons de continuer sur votre voie... avec obstination nous aussi !
Patrick PAPPOLA fondateur du collectif "La Ciotat Coeur de Parc".
______________________________________
ANDRE MANCHE : 1936- 2007
André Manche est né le 18 mars 1936 à Meaux. Il fit des études à l'Ecole Forestière de Nancy, puis à l'Ecole d'Ingénieur du Génie Rural, des Eaux et Forêt. Il obtint son premier poste à la Direction Départementale de l'Agriculture du Lot et Garonne. En 1974, il est Conseiller Technique représentant la Mission de l'Agriculture à la Mission Interministérielle pour la Protection et l'Aménagement de l'Espace Méditerranéen. En 1980, il est nommé Directeur du Parc National de Port Cros, il fait installer les bassins de lagunage permettant de supprimer les rejets en mer, après plusieurs annéees il est nommé Directeur des Parcs Nationaux de Versailles. Il était un militant actif dans les associations de Défense de l'Environnement, il était notamment adminsitratuer à l'U.D.V.N.-13 (Union Départemental "Vie Nature" des Bouches du Rhône) mais aussi administrateur de l'association "Forêt Méditerranéenne" dont les membres ont écrit ce texte ayant lui aussi valeur d'hommage :
"Notre ami André Manche nous a quittés.
Comme cela, brusquement : il y a
trois mois il nous annonçait une première alerte, avec optimisme, comme
d’habitude. Les traitements ont commencé, il les endurait avec courage,
comme d’habitude. Malheureusement la maladie a été plus forte que son
optimisme, que son courage et que l’amour des siens.
Il était membre fondateur de notre Association.
Attiré très jeune par la forêt, il est un de ces très rares forestiers qui en ont parcouru toute la hiérarchie, depuis le statut d’ouvrier forestier jusqu’au grade d’ingénieur général, en passant par tous les stades et les écoles de techniciens, d’ingénieurs des travaux et d’ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts.
Méditerranéen d’adoption puisqu’il est arrivé dans la région en 1976, dans le cadre de la “Mission pour la protection de l’environnement”, mise en oeuvre par Georges Pompidou (mission dirigée par l’Amiral Storelli). Il a, en même temps, « appris » la Méditerranée et commencé à déranger les certitudes des aménageurs, dans cette époque délicate du « séisme de Fos », des bouleversements de la côte du Languedoc-Roussillon et des débuts des rêves fous en Corse.
Puis, il est devenu le premier directeur du Parc national de Port Cros, où il a essayé, et réussi, beaucoup de ce que l’on appelle aujourd’hui l’ingénierie de l’environnement.
Nommé par la suite à Versailles, il n’a pas, pour autant, oublié la
Méditerranée, tant à travers “Forêt Méditerranéenne”, que dans les associations de La Ciotat ou encore à l’Union départementale vie et nature des Bouches-du-Rhône. Il s’est aussi beaucoup investi pour la création du futur Parc national des Calanques.
A sa retraite, il n’a pas réduit la voilure dans ses divers engagements et,
jusqu’au dernier moment, il a siégé au Conseil économique et social de
Provence-Alpes-Côte d’Azur, où il a soutenu ses convictions sur la nature,
l’espace rural et l’écologie, au sein du groupe de prospective.
L’Association Forêt Méditerranéenne n’aime guère perdre l’un des siens.
Elle aime encore moins avoir à se priver de la présence d’André, qui était
Secrétaire de son Conseil d’Administration depuis 1999.
Adieu et bon vent, cher André !
Jean BONNIER et Guy BENOIT de COIG"